samedi 23 avril 2016

La Grande Nation

Au moment où la démocratie brésilienne est affaiblie par la déstabilisation  de la présidente Dilma Rousseff qui évoque une menace de coup d’État, il n’est pas inutile de revenir sur l’histoire mouvementée du Brésil grâce au livre de Michel Faure, journaliste, qui a su se faire historien.
Cette synthèse, claire et informée, souligne la spécificité d’un pays qui a emprunté autant à l’Europe qu’aux Etats-Unis. Dernier pays esclavagiste (1888), dernière monarchie du continent (1889), tenté par le fascisme avec un temps de retard, toujours au diapason des problèmes politiques occidentaux, le pays, qui a été régulièrement sous la coupe des militaires, a su garder son unité.
Ancienne colonie portugaise qui n’a pas eu besoin de mener une guerre de décolonisation, le Brésil a créé une société métissée sans pour autant éliminer tous les clivages raciaux. Même si le livre passe un peu vite sur les dimensions sociales et culturelles du peuple brésilien, il demeure une bonne introduction à l’univers de ce pays-continent. 

Référence : Michel Faure, Une histoire du Brésil, Paris, Perrin, 2015, 446 p.

samedi 16 avril 2016

Ils ont fait la Fronde★★

En dépit d’un titre un peu vague, le dernier livre de Jean-Marie Constant,  ancien professeur de l’université du Maine, mérite qu’on s’y arrête. Son style, aussi clair que ses idées, permet de donner sens à l’une des périodes les plus confuses du XVIIe siècle : la Fronde. Loin d’obscurcir son ouvrage en suivant pas à pas les événements, il épouse le point de vue des acteurs.

Au fait des travaux les plus récents, cet ouvrage met en lumière les multiples failles des élites françaises. Même si elles sont étroitement liées, les officiers tâchent de mettre un terme  au régime d’exception qui permet à la France de soutenir l’effort de guerre tandis que les nobles sont partagés entre leur désir de renforcer l’absolutisme, à l’image de Condé, ou d’opposition à cette évolution comme Gaston d’Orléans.

Faut-il voir dans la Fronde l’ultime épisode d’un héroïsme baroque ? L’auteur le pense avec raison même si c’est  aussi la victoire d’un système fiscal qui n’a jamais été aussi prédateur. Mazarin, avant d’être le favori de la reine, est d’abord  sa meilleure caution. 

Référence : Jean-Marie Constant, C’était la Fronde, Paris, Flammarion, 2015.

dimanche 3 avril 2016

Au prisme de l'autre


En 1610, à la cour de Jahangir, l’empereur Moghol, le jésuite Francesco Corsi déclara qu’aucun homme doué d’intelligence n’accepterait la foi mahométane. De son côté, le savant ‘Abdus Sattar lui manifesta son étonnement devant le Dieu des chrétiens incarné dans un homme qui reçut 5 000 coups de fouet et peut-être autant de crachats.
Dans ce livre foisonnant et un peu déconcertant à cause de son découpage en trois longs chapitres, Sanjay Subrahmanyam, professeur invité au Collège de France et figure marquante de l’histoire-monde, nous plonge au cœur des cours rivales dans l’Inde du XVIe siècle.
Sa manière virtuose de croiser les sources persanes et portugaises, notamment, lui permet de s’opposer à l’idée d’une incompréhension totale (« incommensurabilité ») entre des espaces culturels mis en contact par l’arrivée des Occidentaux, la guerre, la diplomatie mais aussi les influences réciproques dans la production artistique.

Même si l’histoire nationale est disqualifiée un peu vite, cette étude au prisme de l’autre, permet de saisir plus finement la pluralité des dynamiques des mondes modernes.

Référence : Sanjay Subrahmanyam, L'éléphant, le canon et le pinceau. Histoire connectée des cours d'Europe et d'Asie, Paris, Alma, 2016, 369 p.