Depuis l’affaire du voile des
collégiennes de Montfermeil en 1992, la France fait face au retour du religieux
en questionnant, peut-être plus que toute autre nation, non pas tant le principe
de tolérance, que les frontières de la tolérance. D’où vient cette sensibilité
particulière des Français attachés à l’expression discrète des identités,
notamment religieuses ? C’est la question posée par Denis Lacorne,
directeur de recherche à Sciences-Po Paris, dans un bel essai qui historicise la
notion de tolérance.
Contre les Églises, les penseurs
du libéralisme réussirent à faire de l’acceptation de la différence une valeur
positive autorisant le libre exercice de la liberté de conscience, de culte, ou
d’expression. Au grand dam des plus intolérants, l’article 10 de la Déclaration
des Droits de l’Homme fit de la foi une opinion comme une autre.
L’auteur montre que la limite
entre ce qui est accepté et ce qui ne l’est pas dépend toujours d’un contexte historique
précis. Les pages consacrées à la fatwa de Salman Rushdie sur fond de rivalité
entre les Saoudiens et les Iraniens sont éclairantes. Pour la France, les
choses s’expliquent assez bien par une mystique de l’unité et de
l’indivisibilité. La France se conçoit comme un bloc avec tout ce que cela peut
avoir de généreux et en même temps d’étouffant.
Référence : Denis Lacorne, Les Frontières de la tolérance, Paris, Gallimard, 2016.
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