Pour Alain
Corbin, l’histoire fut toujours l’occasion de toutes les audaces. Historien des
perceptions, des odeurs, du corps, des désirs, il a emprunté, il y a plus de
quarante ans, une voie originale qui a transformé les manières de faire et
d’écrire l’histoire. Son Histoire du
silence parachève cette œuvre même
si le livre n’a pas la densité des précédents.
De citations
littéraires en aphorismes d’hommes d’Église, de peintures en sources d’archive
(malheureusement trop rares), l’auteur tente de cerner la pluralité des
silences. Le silence de la mort n’est pas celui du recueillement et encore
moins le silence de la création. Au silence de la nature répond le silence de
l’âme qui s’élève vers Dieu. Plus que les livres, les peintures savent exprimer
la profondeur du silence ou, pour reprendre les mots de Claudel à propos d’une
toile de Vermeer, d’être : « toute
remplie de ce silence de l’heure qu’il est ».
Règle d’or de
l’homme de cour au XVIIe siècle, les exigences du silence changent
au fil du temps, notamment au XIXe siècle qui marque une rupture
saisissante : les organes du corps humains sont condamnés au silence
tandis que le fracas des machines tisse la trame sonore des villes. Aspirer au
silence constitue alors une aspiration profonde, mais souvent désespérée, à
l’exemple de Baudelaire qui se désole « de ne pouvoir être seul ».
Ce livre
est une formidable méditation, offrant un judicieux contrepoint à notre monde
où le triomphe du bruit tente de combler la solitude de l’homme moderne.
Référence :
Alain Corbin, Histoire
du silence, Paris, Albin Michel, 2016.
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