Les 130
victimes des attentats de novembre 2015 à Paris furent tuées au nom du califat,
ressuscité de ses cendres par les extrémistes de l’État islamique en avril 2014.
Habillé tout en noir comme l’étaient les califes abbassides (750-1258), Abou
Bakr al-Baghdadi, calife autoproclamé, rappela alors que la religion reposait
sur le Coran et sur le glaive des combattants de la foi. C’est dire que
l’ouvrage de Nabile Mouline, qui plonge dans l’imaginaire califal, depuis la
mort du prophète Mahomet (632 ap. J.-C.) jusqu’à aujourd’hui, est
indispensable.
Alors que
l’Europe a abandonné l’imaginaire de la chrétienté depuis le XVe
siècle, une partie de l’islam vit encore dans ce rêve impérial d’unité, à la
recherche d’une foi qui aurait été corrompue par les valeurs libérales de l’Occident.
Cette crispation identitaire peut légitimement prendre ses racines dans l’œuvre
du calife ʿAbd al-Malik (mort en 705), qui donna son nom à la religion
d’Allah : islâm (soumission à
Allah) qui n’est plus celle des croyants (al-mu’minûm),
terme jugé trop œcuménique par rapport aux chrétiens et aux juifs.
En même temps, ce nouveau messianisme cohabite
avec un mouvement réformiste qui peut se réclamer de l’œuvre du calife Hârûn
al-Rashîd (mort en 809) qui tenta de faire du Coran un texte à contextualiser
et donc à interpréter. Il est vrai qu’il n’eut pas gain de cause contre les
gardiens de la religion, les oulémas, qui firent des califes de simples
défenseurs de la foi.
Dans cette
histoire longue du califat se lisent donc, en filigrane, les possibles d’un
monde musulman profondément bouleversé.
Référence : Nabil Mouline, Le califat. Histoire politique de l’islam, Paris, Flammarion, 2016.
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