La formidable expansion de l’Islam au VIIe siècle
en direction de l’Asie centrale et de l’ouest chrétien transforma très vite la
Méditerranée, la mer des Romains pour les géographes musulmans, en frontière.
Elle se stabilisa au sud des Pyrénées au VIIIe siècle, au large de
la Sicile au XIe siècle et en Anatolie.
Au fil de l’histoire tumultueuse de l’empire musulman, la
Méditerranée devint tour à tour marge ou espace de la guerre sainte, le jihad.
Quand les Abbassides déplacèrent la capitale califale à Bagdad au VIIIe
siècle, l’océan indien parut plus propice à la conquête musulmane. Mais quand
des califats concurrents s’installèrent en Égypte et à Cordoue au Xe
siècle, cette mer fut considérée comme le centre d’un empire qu’il s’agissait
de réunifier afin d’organiser la conquête de l’Europe.
C’est à cette histoire que Christophe Picard nous convie.
Contrairement à ses prédécesseurs, qui avaient fait de la Méditerranée un
espace avant tout latin et byzantin, l’auteur tient à écrire une histoire à trois
voix en ne résumant pas la civilisation islamique à quelques bandes de pirates
pratiquants des razzias. Pour ce faire, il s’est détourné des sources
occidentales rassemblant une documentation très pointue de géographes, de
voyageurs et de commerçants musulmans.
Ce décentrage du regard, appuyé sur une érudition exigeante,
offre la vision rafraîchissante d’une Méditerranée, berceau de notre
civilisation, moins cloisonnée qu’ouverte aux circulations et où la prospérité
côtoyait sans cesse les malheurs de la violence et de la destruction.
Référence : Christophe Picard, La Mer des califes. Une histoire de la Méditerranée musulmane, VIIe-XIIe siècle, Paris, Seuil, 2015.
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