mardi 27 décembre 2016

Exposition au Louvre : Vermeer et les maîtres de la peinture de genre du 22 février au 22 mai 2017

Depuis 1966, les Français n’ont pas eu l’occasion de contempler d’autres peintures de Vermeer (1632-1675) que les deux tableaux conservés au Louvre, L’Astronome et La Dentellière alors même qu’une véritable « vermeeromania » a fait du petit peintre de Delft, oublié sitôt mort, le producteur d’images universelles, admirées, détournées même par la publicité. Les douze Vermeer, soit un tiers de la production authentifiée de l’artiste, accompagnés de soixante tableaux des plus grands peintres du Siècle d’Or hollandais, présentés au Louvre constituent donc une occasion rare de comprendre notre fascination pour la singularité de cette oeuvre ainsi que la spécificité culturelle des Provinces-Unies, jeune nation calviniste, commerçante et bourgeoise, émancipée tardivement de l’Espagne (1648).
Au milieu du XVIIe siècle, l’enrichissement de l’élite hollandaise, dont les navires parcourent toutes les mers du globe, se donne à voir dans des scènes idéalisées de la vie privée. Souvent à rebours de la peinture d’histoire placée au sommet de la hiérarchie par André Félibien (1667), la peinture hollandaise s’épanouit avec la peinture de genre, menée à son plus haut point de perfection par le talent de peintres qui surent procurer à ces scènes du quotidien une forme d’héroïsme. Mais là où un Gérard Dou, un Gerard ter Borch gardent quelque chose de narratif, Vermeer élève ses compositions jusqu’à une sorte d’éternité silencieuse et recueillie.

Avec sa touche précise, délicate et sa lumière diaphane, il tente de saisir la pureté intérieure de ses personnages donnant à sa peinture un tour moral et philosophique qui était une composante essentielle de la peinture d’histoire. Si Pieter de Hooch, citoyen de Delft résidant à Amsterdam depuis 1660, représente dans La Peseuse d’or (1664) une femme mesurant le poids de pièces d’or et d’argent, la même année, Vermeer, dans une composition sur le même thème, capture quant à lui le moment où la balance trouve son équilibre alors que la scène de Jugement dernier, accrochée sur le mur du fond, crée une association thématique qui invite le spectateur à mener sa vie avec tempérance.

Cette exposition a le bon goût de regrouper les œuvres selon les catégories de la grammaire picturale utilisée par les peintres hollandais (le miroir, la lettre, la servante…) loin des métaphores complexes, tirées de l’Iconologia (1593) de Cesare Ripa et utilisées par la peinture européenne. Cette approche iconologique permet d’apprécier les influences réciproques des peintres hollandais qui dialoguent depuis leurs villes respectives de Leyde, Rotterdam, Amsterdam, Delft ou encore Haarlem. La figure de Vermeer s’écarte quelque peu du mythe construit par son redécouvreur, Théophile Thoré-Bürger (1807-1869) qui, bien dans le goût romantique de l’époque, avait fait du « sphynx de Delft » la figure du génie méconnu et oublié.

Ces peintures de genre racontent la destinée providentielle de ce pays sauvé des eaux, si peu aristocratique, relativement tolérant comme en témoigne le catholicisme de Vermeer. Elles flattent par leur simplicité immédiate notre imaginaire bourgeois parfois hermétique aux complexités culturelles de la peinture savante. L’incompréhension avec la France de Louis XIV ne pouvait être que complète ; la guerre de Hollande (1672-1678) vengea l’arrogance de ces « grenouilles » assises « sur un trône de fromage » comme put l’écrire Claude Saumaise (1650). La famille de Vermeer en sortit ruinée et le peintre, qui n’avait jamais beaucoup vendu, disparut de corps, et, pour longtemps, d’esprit. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire