dimanche 7 février 2016

Louis XIV bashing

Un Apollon transformé en Phaëton, un soleil transfiguré en force apocalyptique, un souverain magnanime dépeint sous les traits du tyran, une gloire royale résumée à un coq déplumé, tel fut le sort réservé à Louis XIV au-delà des frontières françaises. Celui qui confessait à son fils que « les peuples […] se plaisent aux spectacles. Par là nous tenons leurs esprits et leurs cœurs » put, de son vivant, assister au développement d’une  contre-image qui visait à démonter les ressorts de la propagande royale et lever le voile sur ses intentions réelles : la libido dominendi.
Isaure Boitel a rassemblé un corpus iconographique aussi unique que divers : 331 pièces satiriques composées de gravures peu connues, de médailles, de jetons de Tric Trac, de cartes à jouer et même d’un plat à barbe. Grâce à une édition de qualité et un commentaire très fin des œuvres, c’est une autre histoire du Grand Siècle qui est écrite ici : celle de la haine de la France éprouvée par les Anglais ou les Hollandais notamment.  À partir des années 1668 et les premières attaques contre les Pays-Bas méridionaux, les satires vinrent flétrir ce dont Louis XIV était le plus fier : sa gloire militaire.

La guerre de Hollande (1672-1678) et surtout la Révocation de l’édit de Nantes (1685) radicalisèrent la rhétorique visuelle dont l’analyse reste complexe. À la suite de Michael Baxandall, ces documents sont heureusement appréhendés dans leur matérialité, leur contenu et leur action sur les événements et l’opinion publique. L’auteur montre bien que ces représentations participaient pleinement de la culture européenne des images au même titre que les productions des grands artistes. Au-delà de la critique de Louis XIV, c’est donc la compréhension des imaginaires politiques européens qui guide un ouvrage justement attendu. 

Référence : Isaure Boitel, L’image noire de Louis XIV, Provinces-Unies , Angleterre (1668-1715), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2016.

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