lundi 14 mars 2016

Chut !



Pour Alain Corbin, l’histoire fut toujours l’occasion de toutes les audaces. Historien des perceptions, des odeurs, du corps, des désirs, il a emprunté, il y a plus de quarante ans, une voie originale qui a transformé les manières de faire et d’écrire l’histoire. Son Histoire du silence parachève cette œuvre  même si le livre n’a pas la densité des précédents.
De citations littéraires en aphorismes d’hommes d’Église, de peintures en sources d’archive (malheureusement trop rares), l’auteur tente de cerner la pluralité des silences. Le silence de la mort n’est pas celui du recueillement et encore moins le silence de la création. Au silence de la nature répond le silence de l’âme qui s’élève vers Dieu. Plus que les livres, les peintures savent exprimer la profondeur du silence ou, pour reprendre les mots de Claudel à propos d’une toile de Vermeer, d’être : « toute remplie de ce silence de l’heure qu’il est ».
Règle d’or de l’homme de cour au XVIIe siècle, les exigences du silence changent au fil du temps, notamment au XIXe siècle qui marque une rupture saisissante : les organes du corps humains sont condamnés au silence tandis que le fracas des machines tisse la trame sonore des villes. Aspirer au silence constitue alors une aspiration profonde, mais souvent désespérée, à l’exemple de Baudelaire qui se désole « de ne pouvoir être seul ».
Ce livre est une formidable méditation, offrant un judicieux contrepoint à notre monde où le triomphe du bruit tente de combler la solitude de l’homme moderne.

Référence :
Alain Corbin, Histoire du silence, Paris, Albin Michel, 2016.

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