dimanche 6 novembre 2016

La France est un bloc


Depuis l’affaire du voile des collégiennes de Montfermeil en 1992, la France fait face au retour du religieux en questionnant, peut-être plus que toute autre nation, non pas tant le principe de tolérance, que les frontières de la tolérance. D’où vient cette sensibilité particulière des Français attachés à l’expression discrète des identités, notamment religieuses ? C’est la question posée par Denis Lacorne, directeur de recherche à Sciences-Po Paris, dans un bel essai qui historicise la notion de tolérance.
Contre les Églises, les penseurs du libéralisme réussirent à faire de l’acceptation de la différence une valeur positive autorisant le libre exercice de la liberté de conscience, de culte, ou d’expression. Au grand dam des plus intolérants, l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme fit de la foi une opinion comme une autre.

L’auteur montre que la limite entre ce qui est accepté et ce qui ne l’est pas dépend toujours d’un contexte historique précis. Les pages consacrées à la fatwa de Salman Rushdie sur fond de rivalité entre les Saoudiens et les Iraniens sont éclairantes. Pour la France, les choses s’expliquent assez bien par une mystique de l’unité et de l’indivisibilité. La France se conçoit comme un bloc avec tout ce que cela peut avoir de généreux et en même temps d’étouffant.

Référence : Denis Lacorne, Les Frontières de la tolérance, Paris, Gallimard, 2016.

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